Un talent pas si différent.

un talent pas si différent

Ça c’est le nom d’un festival qui a eu lieu dans ma ville. Puis pour cet événement, les organisateurs ont décidé d’offrir une vitrine à la différence.

Moi j’appelle ça :

Se donner le droit de faire des particularités une chose positive.

Si tu es différent, les avantages tu es mieux de les chercher comme il faut pour les trouver. J’en nomme souvent, je mets l’accent dessus et je les répète comme un mantra pour demeurer bien focalisée sur le positif et sur mes forces. Mais à moins d’être un peu cinglé, tu ne te présentes chez le médecin en disant Hey Mister Dr ! C’est quoi mon problème à moi ? Je suis intègre, perfectionniste puis j’aime beaucoup trop la symétrie… Ah oui, j’oubliais ! Je pense en images…

Non, pas vraiment. Le diagnostic d’autisme tu le reçois parce que tu fonctionnes différemment et ce fonctionnement là, il fait de ta vie parmi les neurotypiques (non autistes), un défi permanent. C’est comme le poisson qui nage dans la bouette ou l’oiseau dans un orage. Ce n’est pas que c’est mal d’être comme tu es, mais disons que tes paramètres ne sont pas complètement en phase avec le monde qui t’entoure.

Donc ta différence, surtout si tu vis de l’intimidation, du rejet puis des échecs par sa faute, tu arrives à un point ou tu la détestes, puis comme elle fait partie de toi, tu passes aussi au collimateur de ton jugement. J’ai pensé comme ça longtemps…

Tout ça pour dire que lorsque quelques personnes mettent leur temps et leur énergie à bâtir un tel projet qui a tout le potentiel de valoriser l’art à travers la différence, quelle soit physique, intellectuelle ou neurologique (neurologique, c’est ma particularité à moi), ça mérite un beau gros merci. Merci !

Ça change quoi d’être une artiste autiste ?

Vive les intérêts spécifiques en autisme !

Les autistes ont pour la grande majorité ce qu’on appelle des intérêts spécifiques ou intérêts spéciaux. Avant, on appelait ça les intérêts restreints, mais ce n’est pas très poli parce que ces intérêts précis et puissants ne nous coupent pas d’aimer autre chose. C’est seulement que c’est très très intense et que de l’extérieur, ça ne semble pas toujours logique ou pertinent.

Pourtant, utilisés à bon escient, ils peuvent être le moteur de bien des choses, l’apprentissage, la motivation et l’art aussi… Personnellement, j’aime les dés. Je veux dire, beaucoup trop pour une personne normale. J’en ai près de 500. J’en parle souvent. Vous lirez mon article à ce sujet ensuite si ça vous amuse*…

Ma différence + Mon art = Je me sens hyper valorisée et ça m’aide à m’aimer

Notre manière de lire l’information est différente, nos perceptions le sont et nos critères relatifs à la beauté ou l’esthétisme sont souvent encore plus atypiques qu’un  morceau de tofu au milieu de jujubes… Ça veut dire que c’est pas mal certain que ça teinte beaucoup ma manière de traiter l’image et de prendre des photos.

Donc on m’a demandé si ça me motiverait de partager cette vision lors d’une exposition. Dans la plus belle bibliothèque de ma ville ! Et j’ai dit oui. J’allais exposer mes photos de dés, pour vrai de vrai. Et j’allais écrire des petits textes sur la différence, sur mon autisme Asperger, pour les accompagner et expliquer comment ça se passe un peu dans ma tête.

Photo : Hélène Claveau Capteur d’images

Donc on m’a demandé si ça me motiverait de partager cette vision lors d’une exposition. Dans la plus belle bibliothèque de ma ville ! Et j’ai dit oui. J’allais exposer mes photos de dés, pour vrai de vrai. Et j’allais écrire des petits textes sur la différence, sur mon autisme Asperger, pour les accompagner et expliquer comment ça se passe un peu dans ma tête.

Ça n’a pas été facile, j’ai été rigide comme pas possible avec l’imprimeur et je voyais les moindres défauts des imprimés. On parle de plusieurs centaines d’irrégularités qui me bombardaient de leur présence… J’ai posé des tas de questions aux organisateurs, je suis allé dans les moindres détails et j’ai même créé un tableau de validation pour chacune d’elles…

Lors des différentes étapes, il y a aussi que j’ai trouvé particulièrement anxiogène ma prosopagnosie**, le fait que je ne sache pas reconnaitre les gens. Je me disais, mais voyons ! Fais des efforts, ils sont là à se forcer pour toi, à tout organiser pour te donner une belle vitrine, et toi tu n’es pas capable de savoir qui ils sont, c’est n’importe quoi…

Il reste un énorme travail à faire pour penser ressentir la fierté

Mais ce que j’ai trouvé le plus épouvantable, entre tout, c’est que je pensais avoir assez progressé dans mon travail sur moi pour assumer que j’avais de belles œuvres à exposer et que j’avais de quoi à être fière. Et je n’ai pas été capable. Je n’ai pas diffusé la date de mon vernissage sur mon Facebook. Je n’ai pas eu le courage de dire, venez me voir, c’est bon ce que j’ai fait. Je voulais être fière mais sans que je puisse expliquer pourquoi, j’avais comme un peu honte. Je me sentais imposteur, pas assez méritante, usurpatrice. Ouf. Je réfléchis en écrivant, et ça a donné ce paragraphe-là.

Parfois un petit coup de pouce fait toute la différence

Ce que j’en comprends, c’est que sans l’aide et l’encouragement, je n’aurais pas créé par moi même cette opportunité. C’est la poussée qui me manquait. Puis surtout, surtout, j’ai rencontré des gens qui m’ont réveillée solide ! Une dame en fauteuil pour qui les mouvements des bras sont très ardus et qui peint comme si des bras, elle en avait trois, des collectifs qui s’unissent pour créer en équipe et un jeune autiste qui fait des sculptures en papier d’aluminium ! Lui vous allez en entendre parler à nouveau, j’ai eu un petit coup de cœur pour cet ado. Je pense qu’il me fait penser à moi…

De les voir mettre autant de volonté dans leurs projets, ça m’a inspirée en retour. Des idées comme ça on en veut encore, ça fait tellement du bien, si vous saviez.

Plastique atypique

Donc c’est mon expo, neuf énormes photos dans les immenses fenêtres de la bibliothèque. Neuf fois mon intérêt spécifique souligné et mis en valeur.  En bonus, la possibilité de sensibiliser les gens à l’autisme via mes cartels. La chance de leur montrer la différence sous un nouvel angle. Si ça ce n’est pas une ouverture à l’atypicité, je me demande bien ce que c’est…

BONJOUR!

Je suis Valérie Jessica Laporte. Bienvenue dans mon univers autistique.

Femme blanche autiste souriante avec lunettes bleues et tresses bleues

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