Mélissa parle le dessin

Les inspirants

Mélissa parle le dessin (autiste inspirante)

Elle a le dessin comme langue première. C’est comme ça qu’on me l’a présentée. Mélissa, elle a dessiné avant de parler. Elle dessine tout le temps, partout, et lorsqu’elle ne dessine pas, elle fait de la recherche sur internet en vue de dessiner encore plus. Elle se sert de son propre corps comme modèle pour illustrer des positions et elle reproduit, petit bout par petit bout les séquences de mouvements des personnages. Comme à l’ancienne, lorsque les créateurs de dessins animés travaillaient manuellement. Elle a du talent et son cahier à dessins, elle le traîne partout. Lorsqu’elle est fière, elle fait du flapping* de joie !

Mélissa (autiste) parle le dessin.

Mélissa n’est pas seulement omnivore, elle est aussi papiervore. À l’école, elle a découvert le trésor infini… oui, le bac de l’imprimante. Wow. Elle se servait comme dans un bar à bonbons. Allégrement. Alors, son entourage a eu l’idée des petits papiers, des tas de petits papiers. Sinon, Mélissa dessinait un bout de la feuille et hop, elle passait à la suivante.

Elle s’exprime !

Elle a du caractère et trouve des manières d’exprimer ses besoins. Si son frère éternue ou tousse, elle lui dit tout de suite : « Yves-moins-fort ! ». S’il veut monter le son du téléviseur, on entend un « Yves-ne touche-pas-à-ça ! » Elle utilise les mêmes postures et les mêmes mimiques que les dessins animés pour s’exprimer. Les poings sur les hanches, un air sérieux, très théâtral, le bec pincé.

Un jour, contrariée de n’avoir pas pu utiliser l’ordinateur, c’est dans ces mots qu’elle a contesté : « Je suis imprimée ! Cette fille m’a volé ma place à l’ordinateur et je suis imprimée ! » C’est marquant à quel point, même son vocabulaire a souvent un lien avec l’image sous toutes ses formes.

Elle parle le français, mais plutôt comme une langue seconde, d’une manière qu’on dit raide, sans compréhension des syllabes. Monocorde. Ce sont les mots qu’on utilise pour décrire son langage. Pourtant, moi, étrangement, sa manière de s’exprimer m’hypnotise. Comme un mantra, régulier, clair, doux… est-ce que c’est parce que je suis moi aussi autiste que son débit m’interpelle autant ? Je ne sais pas, je trouve ça beau et confortable.

Sa sœur a longtemps été sa petite traductrice, mais lorsqu’elle a commencé a apprendre l’anglais, étrangement, il est devenu plus difficile pour elle de comprendre Mélissa. Pas grave, elle s’organise pour s’exprimer… comme la fois où elle s’est habillée et est sortie en cachette pour aller commander une Slushe au restaurant. Les employés l’ont assise, lui ont donné son breuvage sans la faire payer et ses parents on fini par la retrouver à 6h30 du matin.

 « Les gens sont étonnamment compréhensifs ! »

Yvon (père)

Le papa dit : « On se prend pas au sérieux, sinon on serait déprimés en tabarouette. » Je le crois. Il m’a raconté avoir acheté un petit chien, pour aider la famille, pour faire de la zoothérapie. Mais quelle belle idée. Je lui ai demandé si ça avait fonctionné. Sa réponse : Pantoute **! (Il m’a fait rire.)

Elle est aimée cette Mélissa. À l’école, le personnel éducatif s’organise pour valoriser le plus possible ses habiletés. Elle a non seulement des dessins accrochés aux murs, mais une de ses œuvres se retrouve carrément sur une tuile du plafond, c’est valorisant, son travail a maintenant une présence permanente.
Mélissa (autiste) et son travail.

Moustignal – Par Mélissa

À son école, le midi, on emmène parfois Mélissa au restaurant afin qu’elle acquière, doucement, une autonomie et de meilleures méthodes de communication. C’est un moment de bonheur pour elle. Et comme elle croit encore au Père-Noël, le personnel a fait en sorte qu’elle reçoive, comme désiré, un toutou de lion avec une cape rouge et une couronne de sa part. Elle a dit que c’était son plus beau cadeau de Noël.

Mélissa dit qu’elle est une princesse. Tant mieux. Je crois qu’elle est heureuse…

*Flapping : battement des mains

*Pantoute : Pas du tout.