Je me suis dit, je vais être correcte, du monde qui fait des poèmes ça ne doit pas être dangereux…

Échec total, ça arrive...

Avant je n’en aurais jamais parlé. Je ne sais pas si c’est de l’orgueil ou une manière que j’avais de me protéger, mais lorsque les échecs étaient trop basiques, pitoyables, je préférais fulminer en silence plutôt que d’admettre que malgré mes solides forces, je pouvais encore me planter sur des détails niaiseux.

On ne montre pas son mollet aux requins, alors, pour se rendre vulnérable, pour accepter de dire qu’on n’a pas été capable, pour le nommer le j’ai échoué, il faut se sentir en sécurité. Je commence à comprendre que ça ne va pas se retourner contre moi, alors je peux raconter. J’assume, je suis parfois un gros bébé lala.

Mercredi, j’ai eu l’impression d’avoir cinq ans et d’avoir perdu mon toutou.

En fin de semaine, une personne a écrit un commentaire sur mon Facebook de photographe. Elle semblait proposer quelque chose pour le titre d’une soirée de poésie. Youpi, youpi. J’aime ça des poèmes ! J’ai commencé à en écrire et ça me fait ce drôle d’effet euphorique lorsque tout s’emboite et rime. J’étais pas pire intriguée, surtout qu’en regardant le profil de la personne, j’ai vu qu’elle demeurait dans ma ville. Double youpi. Surplus d’enthousiasme ! Je lui ai posé des questions et j’ai appris qu’il y avait des soirées organisées tout près de chez moi. Ohhhh.

Lorsque je paye pour un service, je me fixe une limite de huit questions, mais si c’est gratuit, je tente d’arrêter à trois. Sinon je n’ai pas de fin… je voudrais tellement tout visualiser que je siphonnerais toute l’info disponible. Mais bon, il parait qu’il faut être raisonnable dans la vie donc je me freine la parole pour ne pas déborder. J’ai rapidement atteins ma limite de trois questions et malgré la souffrance terrible de l’imprécision des réponses, j’ai dû me contenter d’un rendez-vous avec la dame pour lui remettre un poème pour voir si c’est correct et si je suis de niveau pour participer…

Habituellement j’évite mais il faut croire que je me sentais momentanément envahie de courage…

Des situations imprécises j’évite. De nouvelles interactions sans personne-élastique, j’évite. De nouveaux lieux sans musique dans mes oreilles, j’évite. Mais je me suis tellement améliorée ces deux dernières années que je me disais, voyons, tu délires avec ton angoisse… des gens qui font des poèmes, il ne doit rien y avoir de moins épeurant que ça. Fais un effort, t’es capable.

Juste stationner, déjà, m’a stressée comme pas possible. L’idée que quelqu’un puisse attendre à cause de moi, même peu de temps, ça me siphonne tout l’intérieur, comme une petite larve qui gigote partout, ça tire en petits fils de stress. Je me suis reprise à trois fois malgré que j’étais quand même le dernier véhicule sur le coin. Ce n’était jamais assez droit pour moi. N’importe quoi. J’ai pris mon sac et lorsque j’ai cliqué pour barrer à distance ça l’a fait deux fois de suite et je n’ai pas aimé parce que c’était différent alors je suis devenue toute raide des épaules et de la mâchoire.

J’ai marché jusqu’au bâtiment en me répétant : Mais qu’est-ce que tu fais tu fais là, tu fais quoi, tu fais quoi, tu fais quoi…. C’est un local que je n’aime pas. Il a habituellement des fonctions religieuses et les lieux de culte me mettent profondément mal à l’aise. J’ai toujours cette impression, en ces emplacements, de ne pas exister, de n’être qu’une fonction sans droit aux mots d’un énorme engrenage bouffeur de cervelle. Bref, ceci est une autre histoire.

Pas de repère, pas de logique pas d’émo… oh, non c’est pas ça. Plein d’émotions !

Je suis entrée et j’ai demandé à une toute minuscule dame qui bougeait très vite à propos de la rencontre pour les poèmes. Elle a commencé par me dire que je m’étais trompée. Elle m’a inondée de renseignements divers sans lien avec mon rendez-vous. Ensuite, elle m’a demandé si j’étais déjà venue ici. En fait elle ne voulait pas savoir si j’étais déjà venue en ce lieu, elle voulait savoir si j’étais déjà venue pour les poèmes avant alors je n’ai pas bien répondu et ça a commencé à la stresser parce que les gens n’aiment pas lorsqu’on se comprend mal.

Elle a ensuite précisé qu’en fait, elle ne détenait pas tous les renseignements. Elle est partie demander à une autre personne et s’est mise à faire des tas de minis aller-retour pour mentionner que la dame était occupée et que je devais attendre. J’étais debout, avec aucun humain calme sur qui me moduler, dans un local qui me déplaisait, à me sentir de trop, à sentir que je dérangeais, à craindre d’avoir fait erreur. Habituellement, à mon arrivée quelque part, je trouve mon espace à partir duquel je peux commencer à examiner les alentours pour me concentrer sur un motif ou une texture, et je copie une personne zen ou sûre d’elle. Je calque sa respiration, son rythme de déplacements. Là j’étais coincée.

Lorsque l’autre dame est accourue, tendue de s’être dépêchée, j’étais déjà en début de surcharge. Je lui ai montré sur mon écran, les échanges textes avec mon supposé rendez-vous. Après lecture, elle a décrété que c’était le 17 janvier que je devais me présenter. Mais non ? La ponctuation des échanges sur Messenger était tellement, tellement, absente ? Comment interpréter ? Moi je comprenais qu’on devait se rencontrer aujourd’hui pour savoir comment préparer un poème pour le 17 janvier qui sera lu le 17 mars. Et je devais remettre mon enveloppe… aujourd’hui.

Retourner se cacher vite vite en sécurité.

Finalement, j’ai décidé de m’en aller. Mais je n’arrivais plus à clore. Elle a demandé LA phrase. Es-tu correcte ? J’ai l’air d’être capable de mentir moi ? Ben non… pourtant il me semble qu’enfant j’y arrivais ? Ça fait tellement d’années que je n’ai pas réussi même lorsqu’il le fallait que je n’ai plus aucune idée de comment on doit faire. Je ne suis pas certaine d’en avoir nécessairement envie, mais c’est vrai que c’est parfois un peu injuste. Il me manque une carte à jouer. Petit mensonge pratique absent du paquet. Donc j’ai dit non. Et j’ai pleuré. Et j’ai un peu expliqué. Eh oui, je me suis plainte du manque de ponctuation lorsque les gens textent. Je suis partie et maintenant je suis toute honteuse.

La dame du rendez-vous m’a contacté pour savoir si j’avais laissé son enveloppe. Non. C’était bel et bien la bonne journée. Mais elle était un peu en retard, et j’étais repartie en pleurant. Alors je lui ai dit que j’avais de la difficulté avec les gens et que j’allais laisser faire.

J’étais piteuse pas à peu près. L’amoureux m’a posé des questions sur ma journée et j’ai seulement réussi à répondre par bof. On a jasé une demi-heure et juste avant le dodo j’ai raconté. J’avais de la peine. Sauf que, il a pouffé de rire. Il a dit que j’étais incroyable et qu’avec moi on ne pouvait jamais savoir à l’avance ce qui allait se passer. Il a tellement ri que j’ai fini par rire. Il m’a dit, écris-le, ça va te faire du bien. Ok, c’est vrai. Ça console d’écrire et oui, j’aime mieux rire. Mais seulement après, pas sur le coup…

Soirée poème = échec monumental.

Tranche de vie sans rapport avec l’anecdote.

Lorsque j’ai commencé à écrire des poèmes, le chéri a commencé à faire un drôle de son de klaxon, sans cesse dans la maison. Durant une semaine au moins, lorsque je parlais de poésie, à un moment il riait et commençait ce bruit. Pouet, pouet… jusqu’à ce que je demande : mais pourquoi tu n’arrêtes pas de faire Poueeeet ??? Il le répéta lentement. Pou – èèèèè – te. Poète. On ne pourra pas dire qu’il n’a pas d’humour.

BONJOUR!

Je suis Valérie Jessica Laporte. Bienvenue dans mon univers autistique.

Femme blanche autiste souriante avec lunettes bleues et tresses bleues

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