Pourquoi je ne peux pas juste « arrêter en passant ».

Doigt sur sonnette, de l'autre côté de la porte, se trouvent un point d'exclamation et un point d'interrogation

Il y a des gens qui me demandent d’aller les voir si je m’approche d’eux géographiquement. Ouf.

Chers humains, ce n’est pas que je ne vous aime pas, au contraire. C’est simplement que c’est bien plus compliqué que ça en a l’air. Une visite non structurée de votre habitat équivaut pour moi à camper toute nue en pleine saison des moustiques.

C’est tellement tout simple et léger pour vous. Pas de questionnements, pas de casse-têtes insolubles, vous vous laissez porter et ça fonctionne. Vous êtes de petits « advienne que pourra ». Mais chez moi c’est la prise de risques en permanence que d’improviser. Alors me plonger dans un bassin d’imprévus, logiquement, je n’en ai pas trop envie.

Préparation des sujets.

Lorsque je vous visite avec une intention claire, une mission ou un travail à faire, j’ai la possibilité de préparer une excellente réserve de conversations quasi fluides. Les quelquefois où vous sortez des tracés anticipés, j’ai un délai « recalcul en cours », mais à travers le reste, c’est moins flagrant. Selon le thème de l’interaction à venir, la veille, je prépare une série de réponses et de questions. Ça forme des arbres dont je prépare le chemin vers plusieurs branches. Je tente de penser au plus de variantes possible. Et même aux feuilles qui tombent. Ce processus a deux fonctions : éviter que je sois en hyper vigilance en permanence sur mes propos et éviter de me mettre dans le trouble en disant une niaiserie à quelqu’un qui ne me connait pas assez pour comprendre à quel point ce n’est pas volontaire. Je sais, ça brise la spontanéité, mais c’est plus sécuritaire.

Le corps.

S’il n’a pas de tâche précise, le corps devient une boule de panique qui enfle à toute vitesse. Pour me faire comprendre que ça ne fait pas son affaire, il me fait faire des mouvements inhabituels ou étranges et je ne le réalise pas toujours. Ce n’est pas que ce soit grave, c’est même une machine à possibilité de taquineries de la part de mes proches, mais dans un contexte inhabituel, ça ajoute à l’inconfort d’une situation déjà pleine d’incertitudes.

Et ce corps, il ne supporte pas les embrassades, il préfère serrer la main et ensuite se tenir à distance. Je ne peux quand même pas envoyer des instructions sur comment m’approcher à des gens que je n’ai encore jamais vus. Je fais quoi si je suis attaquée par un câlin? Les gentils humains sont souvent chaleureux et moi, j’ai l’impression de les rejeter parfois quand je recule.

La semaine dernière j’ai donné un petit cadeau à quelqu’un pour son temps et il ne savait pas pour les câlins. Il a ouvert grand les bras et… selon mon ami, j’ai fermé les yeux et me suis recroquevillée comme un lapin traqué. Rire. Il a trouvé ça vraiment drôle. Mais si on ne me connait pas, ça ne passe pas cette réaction.

Nouveauté et gestion de l’information

Il existe de fortes chances pour que le motif sur un mur attire toute mon attention ou que la texture de votre chaise accapare et fascine mon cerveau autiste. Pire, il est fort possible que vos objets soient placés croche et que je ressente l’envie irrésistible de les replacer correctement. Certains éléments de l’environnement, lorsque je ne suis pas habituée, peuvent me causer beaucoup d’angoisse ou encore une jubilation difficilement explicable. Si je suis focalisée sur une tâche, je ressens moins cet effet, mais si « j’arrête en passant », je peux difficilement y échapper.

Ajoutons que je risque fort de ne pas vous reconnaitre. Avec la prosopagnosie, je n’aurai aucune idée que c’est vous, même si j’ai vu des photos.

Si « j’arrête en passant », ça veut dire que je brise la ligne d’intention, que je coupe en deux ce que je suis en train de faire. C’est inconfortable de déroger aux objectifs. Ça risque de tout briser mon horaire si je ne sais pas la rencontre doit durer combien de temps.

Et si j’arrive au mauvais moment et que votre non verbal transpire l’inconfort, je ferai quoi? Je vais tellement paniquer.

Je ne saurai pas quand c’est le moment de quitter et vos subtils sous-entendus n’atteindront jamais la destination visée. Peut-être que vous serez carrément obligé de me dire de partir.

Il m’est arrivé de perdre des clients après avoir accepté de les rencontrer. Ça peut très bien se passer, mais ça peut aussi tout démantibuler la relation. Si vous voulez me voir, il faut que ce soit vraiment clair de quelle manière et pourquoi je vous rencontre. Je serai méga préparée et pas mal plus disponible aux interactions. Youpi.

BONJOUR!

Je suis Valérie Jessica Laporte. Bienvenue dans mon univers autistique.

Femme blanche autiste souriante avec lunettes bleues et tresses bleues

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